Partager nos récits : le théâtre, une voix pour les réfugiés

Par Pete Harris Lindop, Chef du département de théâtre à l'Ecole secondaire de La Châtaigneraie

Pendant trois jours à la fin du mois de novembre, j'ai eu l’immense chance de collaborer avec l’International School’s Theatre Association (ISTA) et Amala Education, une organisation qui travaille avec des jeunes réfugiés pour leur permettre de réintégrer l'école secondaire après avoir dû fuir leur lieu d’origine. Sur les 11 millions d'habitants en Jordanie, environ 800 000 sont des réfugiés, et 46 % d’entre eux ont moins de 17 ans. Amala Education a élaboré le premier Diplôme international d'études secondaires pour des jeunes réfugiés, et travaille actuellement avec la Conférence des écoles internationales (CIS) pour son accréditation.

J'ai collaboré avec 17 élèves inspirants, courageux, persévérants et enthousiastes, originaires de Syrie, du Soudan, d’Irak et de Palestine, tous âgés de 16 à 25 ans, ainsi qu’avec des enseignants du Ghana, de Mumbai, de Beyrouth, d’Addis-Abeba et de Genève.

Cette expérience a été pour moi une façon d'enrichir mon implication créative avec les jeunes, d'entendre des récits venant d’autres mondes que le mien et, par-dessus tout, d'explorer l'utilisation des outils du théâtre pour faire entendre ces récits. Nous avons commencé avec un nombre de questions clés : Quels sont les moments de changement dans ma vie ? Comment m'ont-ils transformé(e) ? Qui étais-je alors et qui suis-je devenu(e) aujourd’hui? Dirigés par une équipe exceptionnelle de l'ISTA, nous nous sommes engagés dans une série d'exercices créatifs de théâtre et de spectacle. Les jeunes réfugiés ont réfléchi à ce qu'ils voulaient partager de leurs vies, et à la manière d’ utiliser les parties du corps, la voix et l'espace pour le faire. Ils ont endossé le rôle de conteurs, d’artistes, de collaborateurs. Certains voulaient raconter les détails des nombreuses épreuves qu'ils avaient traversées; beaucoup souhaitaient simplement exprimer leur conception d’une humanité partagée. Nous avons assisté à des histoires de chaos, de destruction et de guerre, d’épanouissement et de triomphe sur l'adversité.

Au fil de notre travail, nous avons réalisé  que ces élèves n'avaient pas besoin d’un “enseignement”; ils avaient plutôt besoin qu’on leur donne une voix, d'être stimulés par la créativité et surtout, d’être écoutés. Notre mantra tacite était le suivant : ÊTRES HUMAINS: NE BLOQUEZ PAS LES COURANTS D'ÉNERGIE CRÉATIVE ! La relation enseignant - élève a été inversée par notre questionnement : qui sont ces jeunes gens ? Pourquoi sommes-nous là ? De quoi ont-ils besoin ? Comment permettre un échange authentique sur ce que signifie être humain - la préoccupation majeure de tous ceux qui sont impliqués dans l'art du théâtre ? Leur joie intense à tisser des liens avec nous, leur amour du jeu créatif et, par-dessus tout, leur optimisme évident et contagieux malgré les défis inimaginables qui parsèment leur vie, étaient palpables à chaque instant. Nous avons été touchés, inspirés, profondément émus et transformés.

Dans l'avion du retour, j'ai essayé de comprendre et d’analyser tout ce qui venait de se passer... Comment puis-je continuer à utiliser le théâtre pour faire émerger les récits fondamentaux  qu’abritent les esprits et les corps de nos élèves ? Que m’ont montré ces réfugiés sur notre besoin essentiel d’établir des liens profonds avec autrui ? Comment notre Fondation peut-elle tirer profit de tels échanges pour remplir sa mission ? Cette rencontre nous rappelle notre besoin fondamental d'établir des liens profonds avec nos pairs à travers l'échange de récits authentiques, expression de notre humanité essentielle.

Je tiens à remercier notre directrice, Soraya Sayed Hassen, de m’avoir permis sans hésitation de vivre cette opportunité de développement personnel et professionnel. Pour plus d'informations ou pour savoir comment  soutenir d'autres projets avec Amala Education, écrivez-moi à l’adresse pete.harris@ecolint.ch.