L’IA pourrait rendre les experts encore plus précieux

Il devient évident que les compétences académiques clés à développer chez les jeunes face à l'Intelligence Artificielle (IA) sont moins la génération de connaissances que leur curation. Il s'agit moins de créer du contenu que de savoir comment demander à l'IA d'en générer, puis de le relire, le peaufiner et l'améliorer. Mieux les élèves maîtriseront ces compétences, plus vite ils s'adapteront au monde de demain.

Cela ne signifie pas que le savoir est inutile. Des prérequis restent essentiels : la littératie, la numératie et, plus délicat, la connaissance permettant de juger de la qualité d'un texte généré par l'IA. Un savoir encyclopédique reste nécessaire pour bien encadrer l'IA. Comment améliorer ce qu'on ne comprend pas ?

L'acquisition de connaissances va au-delà du pragmatisme. La connaissance procure du plaisir et élargit l'horizon intellectuel.  

Il faut donc continuer à enseigner et à faire apprendre par cœur. Paradoxalement, l'IA pourrait rendre les experts encore plus précieux, car ils pourront juger de la qualité de la production artificielle. Opposer apprentissage et IA est une fausse dichotomie. La question est de savoir comment apprendre avec l'IA.

Des critiques s'élèvent sur les dangers de l'IA pour la cognition. Je partage ces inquiétudes, mais la pensée critique et la créativité, qui se situent dans le cortex préfrontal (ce qui nous définit comme humain en quelque sorte), continuent de s'épanouir lorsqu'il faut prendre des décisions et trouver des solutions. La peur de l'IA est davantage une peur de l'inadaptation humaine. Ce n'est pas parce que l'IA peut créer un plan de cours que je ne peux pas, en tant qu'enseignant, l'améliorer.

L'utilisation de la technologie pour nous aider n'affectera pas nécessairement notre pensée, au contraire. Tout dépend de son utilisation. Deux personnes peuvent tirer des conclusions différentes d'un même film. Il en va de même pour l'IA : un esprit créatif trouvera de multiples façons de l'utiliser.

Ce n'est pas une question de technologie, mais d'esprit. Si l'IA améliore la génération et la diffusion des connaissances, ce sera une opportunité d'évolution pour celles et ceux qui la saisiront.

En éducation, nous devons repenser l'écriture, la planification, la présentation et la recherche en intégrant l'IA. Utilisons-la avec parcimonie, car elle consomme beaucoup d'énergie et ne sera bénéfique que si elle est utilisée de manière éthique et réfléchie.

Conrad Hughes, Directeur général (article publié dans La Tribune de Genève)