Pour de nombreux enfants, le bulletin scolaire est synonyme de stress, de jugement et, potentiellement, de remontrances à la maison. Nous avons probablement tous eu cette expérience maussade, au moins une fois dans notre vie: rentrer avec de mauvaises notes et faire face à des parents inquiets. Certains d’entre nous, en tant que parents, ressentent même de l’angoisse quant aux performances scolaires de nos enfants: sa note de fin d'année lui donnera-t-elle accès au cursus visé? Les enfants sont mis face à la notation comme mesure du succès. A la fin de chaque exercice et, surtout, à la fin de l’année, il y a cette sanction numérique fatidique. L'expérience peut être positive aussi, bien entendu, source de fierté et de joie.
Plusieurs problèmes émergent de l’effet de la notation: le processus exacerbe une compétition parfois malsaine entre élèves: Tu as eu combien? J’ai eu plus que toi… La pression se positionne autour de l'évaluation, toute l'énergie va dans ce sens, que ce soit au niveau de l'enseignement (corriger selon les barèmes, instruire en vue d’une évaluation) ou au niveau de l'apprentissage (mémoriser, apprendre ce que les examinateurs cherchent, trouver les stratégies pour bien répondre aux questions).
A quoi bon apprendre sans la note? Et comment, les professeurs, peuvent-ils enseigner autre chose que ce qui va figurer à l'examen tout en gardant l'intérêt des élèves? En réalité, avec ce système si ancré dans nos écoles, on ne mesure pas vraiment l’apprentissage mais plutôt la capacité à réussir une évaluation, à passer un examen, ce qui n’est pas exactement la même chose.
Autre dimension, c’est le problème qui consiste à considérer les élèves uniquement à travers un chiffre. On perd toute l’originalité de la personnalité car chaque personne passe dans un collimateur industriel, avec des variables fixes.
La notation à l’école a une longue histoire. C’est au 19ème siècle, avec l’expansion des écoles et l’introduction de l'école obligatoire dans plusieurs pays, que la notation prend son essor: il fallait trouver un moyen standardisé de mesurer le progrès. Ne sommes-nous pas, en 2024, dans un monde différent de celui du 19ème siècle? Ne serait-il pas temps de chercher un système d'évaluation plus holistique, plus inclusif et plus pertinent?
En somme, il ne s’agit pas forcément d’abolir la notation, mais de la revoir afin de redessiner un système d’évaluation plus en phase avec les besoins de la société et des individus d’aujourd'hui. A chaque établissement de lancer cette réflexion dans son propre contexte afin de suggérer aux autorités et même aux universités si friandes de chiffre et de classement, des solutions potentielles pour que l’évaluation scolaire mette l'apprenant toujours plus au centre de l’apprentissage.
Conrad Hughes, Directeur général (article publié dans La Tribune de Genève)